Ce matin, je te dirais ...

A toi l'enfant que je n'ai pas fait. Ce matin, je te dirais. Qui triomphe de qui ? Quand tout est violence, affrontement, vitrines cassées, bombes lacrymogènes et cris. Comment va Paris ? Je te citerais Gandhi. " Sois le changement que tu veux voir dans le monde ". Sois la tendresse, la douceur et la lucidité en résistance. Les gilets jaunes s'en prennent au pouvoir central dénonçant le ras le bol des inégalités et l'asphyxie des porte-monnaie. Soyons lucides, les politiques ne sont que les pantins d'une économie mondialisée. L'être humain prospère sur un système qui tue la terre : agriculture intensive, disparition massive des espèces, pollution des sols, de l'eau, de l'air. Asphyxie de son nid. La violence est de plus en plus visible car cette violence est intrinsèque au système. Les marchés financiers anticipent la rumeur. Leurs prévisions n’ont rien d’une prévention pour le bien être commun. Ils jouent avec des valeurs boursières et non morales. La résultante n’en est pas, pour autant, excusable car ils imposent leur pouvoir précoce aux Etats ainsi gainés dans l’envergure de leur gérance. Le monde est gouverné par un emballement de tapages, une frénésie d’échanges impalpables. Plus aucun cordon ne borne l’empire du pire. A toi l'enfant que je n'ai pas fait. Ce matin, je te dirais. Il faut regarder cette violence en face car elle ne fera qu'augmenter. Ne sois pas l'autruche à laquelle pousse des dents pour défendre sa part de gâteau pollué. Les hommes deviennent plus agressifs car la misère est à leur porte. Résultante d'une économie carnassière, elle meurt dans la mer cette misère. Elle dort au pied de ton immeuble dans le froid. Et tu n'en veux pas. Tu veux réduire tes taxes. Penser que la fête ne sera jamais terminée. Et si on pensait déjà à remercier. J'aimerais voir les gens descendre dans la rue pour honorer ce qu'ils ont déjà. La gratitude de l'eau au robinet, de la pièce décorée et chauffée, de cette capacité de pouvoir parler en direct à un ami à l'autre bout de la planète, d'être soigné, d'avoir voyagé. Qui remercie pour ça ? A quand les défilés de gratitude ? Pour dire, oui ici j'ai eu la chance d'une vie facile alors que des milliers d'êtres humains ont grandi dans des bidonvilles. Mais on regarde toujours la part du verre vide et le nid est bel et bien en train de cuire, avec son lot de vipères qui essaient de mordre. Il y a quelques années, j'écrivais les fragments d'une poésie urgente en alertant : En 2050, nous serons 9 milliards à se partager la même planète déjà éreintée, polluée par notre voracité, nos forages, curages de toutes parts pour lui extirper le magot des matières premières. Ces entailles indélébiles ne se refermeront pas et n’offriront plus rien, même plus loin. Mais nos besoins ne déclineront pas. La faille Nord Sud s’accentuera en précipice d’inégalités honteuses. Des flux migratoires, réfugiés de catastrophes climatiques ou d’une inexorable misère trouveront frontières closes. Déferlement des plus démunis et autarcie des plus avertis. La faille béante saignera d’une colère de survie. Comment rallier nos lucidités diffuses pour l’empêcher ? Nous y sommes déjà. Hélas. Et il va falloir apprendre à décroître, à partager, à croître en défendant des valeurs plus nobles. Sans honorer la vie qui nous compose et qui nous entoure. Sans la dimension spirituelle et sacrée de la vie, nous courons à l'extinction. A toi l'enfant que je n'ai pas fait, ce matin je te dirais : une société qui n’écoute pas ses poètes et ses artistes est une société totalitaire du gain économique qui s’auto-consumera. Alors change ta manière de vivre, de te vêtir, de te nourrir. Sois conscient de tous tes gestes. Honore la terre-mère. Chante ses vibrations et clame des poèmes ! Ose cette cause noble qui est de sauver la beauté et la tendresse. Agis pour contrebalancer cette violence. Dans l'énergie qui compense. Si un énergumène gavé de haine idiote brûle une voiture, réserve un coin de nature pour construire un jardin biologique. Face à l'incendie, plante la vie. Si d'autres t'insultent, fais silence et va dire à un quelqu'un que tu l'aimes. Si tu as moins d'argent, donnes-en à un être plus pauvre que toi. Ne pense jamais que répondre à la violence par la violence est un chemin. C'est un ravin. Reste digne. Debout. Contre la violence. Dans l'amour. Toujours !

© Juliette Mouquet