Afrique, mon Afrique

Afrique, mon Afrique, je reviens. Berceau vibratoire, joie déhanchée, sourire d'ivoire. Les chats maigres mangent la souris qui effraie l'éléphant. La savane en cimetière. Qui court devant? Oublie le sang. Danse, frappe la terre avec tes pieds de gazelle. Coupé-décalé. Coupe la sève corrompue. Décale le cri dans le chant. Afrique, mon Afrique, j'entre dans le four de ton bruit. Charivari pour contrer la mort, chétive et sèche comme la chèvre hissée sur les branches de l'acacia. Ta nuque rousse dégouline de la sueur de l'ombre pour l’opprobre des puissants. Les motos taxis toussent et divisent l'arrogance blanche en sacs de riz. Des paniers, sur la tête des femmes, accrochent leur provision de fruits à une étoile. Dans la cour, le bois de la brousse, s'abandonne à chauffer l'espoir. L'igname se pile, les yeux rêvant, d'une boîte de sardines. Afrique, mon Afrique, ta peau craquelée de vieille femme console l'enfant mordu au mollet par la pauvreté. Et ces rires qui montent, qui se penchent pour effleurer ton bras enroulé du bracelet des mines. Ta main s'ouvre encore, tu te laisses extirper le magot. Mais personne ne dort sous des ponts confits de solitude. Entre les murs de parpaing, tu ouvres ton autre main. Chacun se serre pour laisser entrer le cri de l'affamé. Et ces rires qui montent aux joues, dans le déroulé des pagnes impactés de tendresse. Tu ouvres tes jardins exotiques et tranquilles derrière les grilles. Des nouvelles espèces apparaissent. Des présidents rois, avec un tronc aussi large qu'un baobab, prennent racine dans les palais avec des feuilles incomptables. On finit par dire qu'ils sont élus au suffrage dans le fard démocratique. Paris lorgne. Paris s'en satisfait en battant la monnaie. CFA. Qu'est ce que tu crois? Ils te tiennent par la barbichette de la dette. Le béret rouge d'un idéal égalitaire se retourne dans la poussière d'une voix. Sankara. Un bruit claque et descend des hauts plateaux comme l'Harmattan. C'est le son des tongs d'une fillette qui court vers un livre de poésie. Elle cherche son reflet dans les pages. Une lueur vibre dans le marigot étouffé de plastiques, assoiffé de lune. Les rouleaux déferlent, les mains se lèvent, crête d'une jeunesse océan. Afrique, mon Afrique, regarde devant ! L'humidité en grosse pluie. Mes lèvres tentent d'épeler tes mille ethnies. Des cordons luminescents se balancent aux feuillages enchantés. Des vœux de vie, des vies qui veulent. Ne cherche pas à toucher du doigt l'idéal bling bling, le costume made in china, la démarche pacotille. Cherche à toucher du doigt l'immense savoir du passé, les bibliothèques brûlées dans la langue des ancêtres. Renoue avec cette transe ferrée au sang chaloupé. Danse, frappe la terre avec tes pieds de gazelle. Je danse avec toi et j'entre dans la nuit d'encre. Dans le silence qui confond toutes les voix. Un silence gros comme tes hanches Mama Africa! Le silence natif avant l'embrasement de tous les mots. La langue rythmique qui défait la terre pour l'unir au chant. J'entre dans l'utérus du monde. Je remonte la cordée rouge de l'origine, la latérite des exclus. Les hommes sont des mots colorés perdus dans le chaos qui les a fait naître. Les mots se cherchent, veulent s'assembler et sortir de l'enfer de l'exclusion. Un mot seul ne sert à rien. Un mot seul n'est pas un mot. Hémorragie de la délivrance. Les hommes se cherchent comme les mots dans la nostalgie du silence originel. Afrique, mon Afrique. Danse, frappe la terre avec tes pieds de gazelle. Fais brûler le bois dans les langues. Délivre la poésie la vie...