Ni plus Ni moins

Poème de Mahmoud DARWICH 

Extrait du lit de l'étrangère

Traduit de l'arabe ( Palestine) par Elias Sanbar

*

Je suis femme. Ni plus, ni moins. Je vis ma vie comme elle va

Fil à fil

Et je tisse ma laine pour m'en vêtir, non

Pour accomplir le récit d'Homère ou son soleil

Et je vois ce que je vois

Tel qu'il est 

Mais je fixe parfois son ombre

Pour sentir le pouls de la perte 

Et j'écris demain

Sur les feuilles d'hier : Pas de voix

Hormis l'écho.

J'aime l’ambiguïté nécessaire dans 

Les paroles du voyageur nocturne qui va vers ce qui a disparu

De l'oiseau sur les pentes des mots

Et les toits des villages.

Je suis femme. Ni plus ni moins.

En mars, la fleur de l'amandier

M'envole de ma fenêtre

Avec la nostalgie des paroles du lointain

" Touche moi que je mène mes chevaux à l'eau des sources"

Je pleure sans raison et je t'aime

Toi, tel que tu es, ni par intérêt

Ni gratuitement

Et le jour se lève sur toi de mes épaules

Et quand je t'enlace, une nuit descend sur toi.

Et je ne suis ni celui-là, ni celle-là

Non, je ne suis ni soleil, ni lune

Je suis femme. Ni plus ni moins

Sois donc le Qays de la nostalgie

Si tu le désires. Quant à moi

Il me plaît d'être aimée telle que je suis

Ni photo en couleur dans un journal, ni idée 

Mise en musique dans le poème entre les mouflons...

De la chambre à coucher

J'entends le cris lointain de Layla : Ne m'abandonne pas

Captive d'une rime dans les nuits des tribus,

Ne m'abandonne pas chez eux, légende...

Je suis femme. Ni plus ni moins

Je suis qui je suis tout comme

Tu es qui tu es: Tu m'habites

Et j'habite en toi, vers toi et pour toi

J'aime la clarté nécessaire dans notre énigme partagée

Je t'appartiens lorsque je déborde de la nuit

Mais je ne suis pas une terre

Ni un voyage

Je suis femme. Ni plus ni moins

Et me fatigue

La rotation de la lune femelle

Et ma guitare tombe malade,

Corde 

Après corde

Je suis femme

Ni plus

Ni moins