Mongolie, le pays du grand ciel

Loin très loin. Au delà de la Russie. Au dessus de la Chine. Terre nomade. Flot de poésie. Poésie vagabonde. Le drapeau bleu, rouge, or Mongol flotte au vent. Le ciel éclate de soleil et d'une neige d'été. Pluie de pollen et premières déambulations dans la capitale Oulan-bator. Je fais tourner les moulins à prière du temple de Gandantegchenling et renverse la nuque pour apprécier la hauteur vertigineuse du Bouddha. Dans le musée historique, mes yeux fatigués par le décalage horaire absorbent les objets, les costumes, les fresques, les conquêtes et les rites. De Gengis Khan aux traditions chamaniques, mon esprit se hisse dans les trois mondes. Demain les grands espaces m'attendent. Le parc Terelj ouvre sa vaste mélodie de verdure et de vent. La mousson, qui a lessivé la capitale pendant la nuit, s'est dissipée. Une nouvelle naissance nous attend dans la grotte du rocher de la tortue. "Voyager c'est naître et mourir à chaque instant" ( Victor Hugo) . Première nuit dans l'étendue verte et mystique. Je fais fondre la viande sous la langue. Prés du poêle qui réchauffe la yourte. J'écoute Tseegi, la chamane, qui joue de la guimbarde. Mon cœur roule sur le mystère. Première libation. Le ciel a soif de lait. Quelques offrandes aux esprits avant d'aller se coucher. Matinée nomade, nous roulons sur le territoire de Gengis Khan. Imposante et immense statue. Acier et hauteur. 200 ingénieurs de différentes nationalités ont travaillé à l'édification de ce monument révélateur de l'admiration du peuple Mongol pour ce grand conquérant qui a étendu l'empire aux XIII ème siécle jusqu'en Hongrie. Longue route sous le grand ciel, la tête dodeline et le pare-brise s'impacte de petites averses. Nous quittons l'asphalte pour prendre les pistes sur l'herbe grasse où paissent librement des troupeaux de chèvres, de moutons, de yaks ou de vaches. Au loin, nous apercevons la montagne sacrée de Burkan Khaldum. L’œil ne se cogne à aucun bâtiment. L'espace est enivrant. Enkee, le chauffeur, s'arrête à la hauteur d'un jeune homme à moto. Je me baigne dans la sonorité de cette langue agglutinante à l'alphabet cyrillique et à l'harmonie vocalique surprenante. Nous finissons par le suivre et nous arrivons prés du coude majestueux d'une rivière. Sa famille nous accueille, éleveurs nomades. Prendre le pouls de la steppe et vivre plusieurs jours à leur rythme. Claquer des dents au petit matin, dans l'humidité du grand sol herbeux quand le poêle de la yourte s'est éteint. Dormir dans le souffle des autres et le filet des rêves. Sortir de l'enclos circulaire comme du ventre de la terre mère dans cet océan vert. Aller vers la rivière fraîche pour faire une toilette de chat. Épouser le soleil qui réveille mon regard et réchauffe mon corps. Petit déjeuner copieux préparé par Enkee. Je lis un poème sibérien sur les ancêtres au groupe. Nous marchons avec Tseegi et Baaska le long de l'eau et nous ouvrons les mains pour absorber l'énergie des éléments qui palpitent sur cette espace infini. Des chevaux sauvages passent dans la lumière aveuglante. Un superbe galop nous attend. Un cavalier Mongol rattrape mon écharpe qui se libère dans le vent. Au crépuscule, les vaches rentrent toutes eules dans l'enclos de la traite. Mes mains maladroites se couvrent de lait pour presser le pi gonflé. Repas abondants, univers lacté, vodka tournant dans un seul verre pour les chants généreux des soirées autour du feu. Tseeki a mis son costume et préparé la table d'offrandes aux esprits prés de la yourte. Elle bat du tambour. Mes mains se mettent à trembler. Transe et révélation. Et que tourne le chant audacieux des vagabonds ! Le jour, nous écrivons, dessinons et rions avec les enfants. Vie simple, décroissante de matériel, croissante de spirituel. Amas de pierres et tissus bleus sur les ovoos au vent des vœux. En faire trois fois le tour pour honorer l'esprit des lieux. Au pied des montagnes du Khan Kentii, la plume d'un rapace est venue dans ma main. Je la mets dans mes cheveux pour le concert de la poésie vagabonde le dernier soir sous la yourte. Prés du grand plat de lait caillé, les enfants dansent et les adultes écoutent mes mélodies venues d'ailleurs. Sourire et cœur généreux. Je bénis tous les êtres qui m'accompagnent dans cet espace infini comme le visible et l'invisible de la poésie.

" Le chamanisme est notre première religion.

Nous honorons les esprits de la terre,

de la forêt, de l'eau, de l'air

et surtout du ciel.

C'est la religion de la poésie"

Tsering, Maître chaman